samedi 12 mai 2012

Billet d'humeur du samedi 12 mai 2012 (Après le harcèlement sexuel, le harcèlement moral à la trappe ?)


En ce samedi 12 mai 2012  quoi de neuf en ce monde ??? Après l’abrogation du délit de harcèlement sexuel par le Conseil constitutionnel, c’est au tour du délit de harcèlement moral d’être attaqué. Le tribunal correctionnel d’Epinal a accepté hier de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation. C’est un avocat qui a plaidé que ce délit était aussi flou et mal écrit que le texte sur le harcèlement sexuel.

Le harcèlement dans le cadre professionnel a toujours existé. Cependant, depuis la loi sur la modernisation sociale du 17 janvier 2002, il est reconnu comme un délit. La loi de 2002 énonce que « des agissements répétés, qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié au travail et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Le harcèlement moral est également reconnu comme délit pénal. Art. 222-33-2 du code pénal.

Au fil des années et des procès, la jurisprudence récente a fait évoluer la notion de harcèlement moral, la rendant parfois indépendante de la notion d’intention ou de répétitivité, ce qui était le cas au début. Ainsi, dans des arrêts récents de la chambre sociale de la cour de cassation, un mode d’organisation du travail ou de gestion pouvait s’assimiler à du harcèlement moral.

Cette loi a permis que des salariés victimes puissent saisir la justice, mais l'augmentation des plaintes depuis 2002 a obligé les entreprises, à etre  plus  vigilante, pour éviter les contentieux. Certaines grosses entreprises ont même mis en place, dès 2003, des cellules d'écoute, des observatoires des pratiques managériales. Histoire de mieux enfumer

Cette loi a également permis, indirectement, que l'on se penche sur un phénomène plus large : Les « Risques Psycho Sociaux » dans l'entreprise, élargissant les causes de la souffrance à d’autres facteurs que le harcèlement moral, tels que :

· Exigences liées à l’exercice du travail
· Exigences émotionnelles
· Autonomie et marges de manœuvre
· Rapports sociaux et relations de travail
· Conflits de valeur
· Insécurité socio-économique

Les suicides de salariés de France Télécom ont mis en évidence des mécanismes de souffrance plus insidieux et aux conséquences dramatiques. Cela n’a pas suffi à enrayer le phénomène mais cela a cependant obligé les entreprises à une vigilance et à sanctionner parfois les managers qui pratiquent un management confinant à du harcèlement moral.




Qui fréquente une entreprise tous les jours du matin au soir pendant environ 200 jours par an a souffert au moins d’un de ces phénomènes :

- Anxiété
- Dépression
- Isolement social
- Troubles Musculo-Squelettiques

Très souvent, ce sont les conséquences d'un mode de management ou de comportement de la ligne managériale, voire d'autres lignes. Le harcèlement moral, ne l’oublions pas, peut émaner d’un supérieur hiérarchique, un collègue de travail, un subordonné ou d’un groupe. L'abrogation de la loi de 2002 dans le contexte actuel serait dramatique

Dans un contexte économique difficile, avec des licenciements de masse qui se poursuivent, l'abrogation de cette loi serait dramatique. Nous verrions le retour des "killers", ces consultants ou managers chargés "d'élaguer", pousser des salariés vers la porte, en les faisant craquer. Cela permet d'éviter le licenciement collectif pour motif économique, plus délicat à mettre en œuvre.

On nous dira que certaines plaintes sont abusives. Certes, mais cela est valable pour tous les délits. Et cela ne justifie pas l’abrogation de toutes les lois pour autant.

En tout état de cause, même si la loi de 2002 n'est pas aborgée, tous les procès en cours sont suspendus tant que la cour de cassation n'a pas statué sur la demande de l'avocat d'Epinal. Les victimes ayant des procès en cours ou subissant un harcèlement dans leur entreprise, subissent un préjudice supplémentaire, car le harcèlement touche à la psychologie de la personne, plus que toute autre atteinte.

Tout cela parce qu’un avocat veut gagner du temps, surfant sur l’abrogation de la loi sur le harcèlement sexuel, pour éviter à son client une condamnation éventuelle.

Si la loi sur le harcèlement moral est aborgée, le monde l’entreprise va trembler sur ses bases. La gestion des ressources humaines par la terreur va reprendre ses droits.

Voila encore un jour en ce beau monde….allez allez circulez il y a rien à voir.