mercredi 31 août 2011

La rocade minière bientôt privatisée ?

Le député-maire de Lens Guy Delcourt envisage la privatisation de tout ou partie de l’A 21 plus connue sous le nom de rocade minière. Coup de bluff pour faire pression sur l’Etat ? Ou véritable logique de « casse du service public » aux conséquences délétères tant pour les personnels que les usagers, comme le dénonce la CGT ?

« D’accord sur le constat, mais pas sur la solution ! ». La CGT est visiblement remontée contre la proposition de l’élu lensois de privatiser non seulement l’A 21 mais aussi l’A 211 (1). Le SYMAG (2) dont Guy Delcourt préside désormais les destinées s’est déjà, à maintes reprises, plaint auprès de l’Etat en charge de son entretien du délabrement de la rocade minière (3). Un revêtement défectueux à maints endroits. Des glissières centrales vétustes. Un goulot d’étranglement dangereux du côté d’Aix-Noulette qui nécessiterait le passage à une 2 X 2 voies… Les griefs sont légions. Pour lui, l’A 21 représente un « danger criminel » aux heures de pointe surtout quand ça bouchonne aux bretelles de sorties. D’autant plus que cette autoroute urbaine est très fréquentée ! A hauteur de Courcelles-les-Lens, « 28 400 véhicules l’empruntent par jour et par sens », selon Isabelle Lepla, secrétaire de l’Union fédérale CGT des Agents d’exploitation de la DIR Nord(4).




Opposition sur le fond et la forme

Aussi Guy Delcourt envisagerait-il volontiers que cette autoroute soit concédée à la SANEF (5). Une incongruité pour un élu qui se prétend de « gauche » ? Pas tant que ça pour Noël Moreau du Syndicat CGT des personnels techniques des réseaux et infrastructures (ex-DDE). Il rappelle que c’est « le socialiste Laurent Fabius qui a lancé en 2001 l’idée, pour financer les retraites (sic !), d’ouvrir le capital d’Autoroutes du Sud de la France au privé ». Plus tard, Dominique de Villepin poursuivra la sale besogne. Si Noël Moreau partage, bien entendu, l’avis de Guy Delcourt sur l’insuffisance des investissements d’Etat, il déplore ses conclusions… Tout comme Jean-Marc Dauchet. « Le maire de Lens ferait mieux de combattre à nos côtés pour exiger plus de crédits », s’emporte ce militant CGT de la DIR Nord. Evidemment, son syndicat a immédiatement réagi à cette provocation. Isabelle Lepla a ainsi interpellé Guy Delcourt par courrier en lui signifiant son désaccord. Une opposition autant de principe idéologique à une nouvelle « casse des Services publics » que de formes ! Pour elle, « le procédé s’est montré inefficace. Les privatisations entraînent une dégradation des services rendus. Cet hiver, on a pu observer que les réseaux concédés n’étaient pas mieux déneigés que les réseaux sous exploitation de l’Etat, et ce malgré les insuffisances constatées à la DIR ». Des craintes concernant le statut futur des personnels à terme forcément « privatisés » eux aussi et la dégradation de leurs conditions de travail se font également jour.

Etude en cours…

Selon Guy Delcourt qui recevra bientôt ses représentants, la SANEF aurait déjà« accepté l’idée d’intégrer la rocade minière dans son réseau. J’ai été agréablement surpris ». Elle se serait par ailleurs engagée à ce que «le parcours soit gratuit pour les usagers ». La SANEF pourrait ainsi répercuter« cette gestion sur les prix pratiqués sur des portions déjà payantes ». Sur l’A1, au péage de Fresnes-les-Montauban par exemple ? Le « hic », c’est que le droit interdit désormais, au nom du principe d’équité, cette pratique dite de l’adossement. Et que ses promoteurs encourent donc des sanctions… SANEF ou non d’ailleurs puisque s’il y a concession, il y aura obligatoirement appel d’offres.

Des vaches à lait ?

De toutes les façons, « une fois la concession acquise, qui pourra empêcher un groupe privé de mettre un péage sur l’A 21 ? » s’interroge Noël Moreau. Qu’ils soient usagers de l’A 1 ou directement de la rocade minière, « les automobilistes seront encore considérés comme des vaches à lait à l’heure où les actionnaires s’en mettront plein les poches», maugrée Grégory Glorian. Le secrétaire général de l’UD CGT du Pas-de-Calais promet une réaction collective d’envergure : « Nousallons prendre contact avec les associations d’automobilistes et sensibiliser les utilisateurs de la rocade qui sont aussi des électeurs. » Bien conscient de la levée de boucliers que sa position est en passe de susciter, Guy Delcourt a promis de recevoir la CGT…

En lien avec le Louvre

A condition que l’Etat en accepte le principe, la privatisation pourrait être effective « pour fin 2012, début 2013 », selon le maire de Lens. Elle coïnciderait alors avec l’ouverture du Louvre-Lens. Une « plate-forme du tourisme international » susceptible d’engendrer une augmentation du trafic… Aussi, afin d’offrir aux touristes des conditions d’accès dignes de ce nom, Guy Delcourt semble bien décidé à faire pression sur l’Etat par tous les moyens. Au risque de se mettre à dos une grande partie des salariés et de la population ? Et de vendre son âme aux capitalistes ?

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(1) L’A 21 courre d’Aix-Noulette à Douchy-les-Mines. Elle relie donc l’A 26 à l’ A 2. Quant à l’A211, elle contourne Lens par le Sud-Est jusqu’à Avion, sur le tracé d’un ancien canal.

(2) Le Syndicat mixte des Autoroutes Artois-Gohelle regroupe les communautés d’agglomération et de Lens-Liévin et d’Hénin-Carvin. Il a succédé en 2002 au Syndicat intercommunal pour la Réalisation de la Rocade minière imaginé à sa création dans les années 1970. Le SYMAG finance notamment « des travaux d’éclairage ou de pose de murs antibruit sur l’A 21 », souligne José Gulino, directeur général des Services à la Communauté d’agglomération Lens-Liévin.

(3) La partie de la Rocade minière (D 301) qui prolonge l’A 21, d’Aix-Noulette à Calonne-Ricouart sur 19 km, est gérée par le Conseil général.

(4)En 2006, la Direction interdépartementale Routes(DIR) Nord s’est substituée à sept Directions départementales de l’Equipement (Aisne, Ardennes, Marne, Nord, Oise, Pas-de-Calais, Somme) pour l’entretien des routes nationales et autoroutes non concédées.

(5)En décembre 2005, l’Etat, actionnaire majoritaire, décidait de céder ses parts au privé et notamment à un consortium conduit par Abertis, un groupe espagnol aujourd’hui majoritaire. La privatisation sera effective en février 2006.